MATHIEU SIMARD - Structures de l'art
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Un texte de Nathan Murray. Album photo: Patrice Gagnon. Réalisation vidéo: Shana Warren. Entrevue: Elise Tremblay et Nathan Murray.
Voici un élégant nid d'aigle, perché sur les hauteurs des Éboulements. Une géométrie simple, mais inventive, des formes harmonieuses, des matériaux nobles et sobres (bois, verre, métal teint de noir profond) : dans son écrin de forêt, face au majestueux fleuve Saint-Laurent, le bâtiment séduit et impressionne. S'il est incontestablement de son époque, il appartient aussi à la montagne : sa présence à cet endroit coule de source, pour ainsi dire. À l'intérieur, de vastes pièces au design épuré mais raffiné se déploient sur deux étages, en un chic mariage de noirs et de blancs, rompu çà et là par une rare touche de couleur éclatante. L'ensemble est résolument moderne et pourtant s'intègre parfaitement à la nature environnante : les espaces ouverts et les immenses fenêtres semblent tout à la fois s'offrir aux splendeurs du paysage charlevoisien et les absorber pour mieux les sublimer : en ce lieu, la beauté est attirée comme par un aimant. L'ensemble accroche infailliblement le regard de qui l'aperçoit depuis la route, en contrebas ; pour celui qui l'occupe et l'habite, il magnifie le paysage alentour : les échappées vers le village des Éboulements, l'Isle-aux-Coudres, le fleuve ou les monts forment autant de renversants tableaux, de savantes compositions.
C'est dans ce lieu remarquable, portant le beau nom de Secret de Charlevoix, que nous avons rejoint l'architecte Mathieu Simard, cofondateur et président du Groupe Habitat. Cette prestigieuse résidence de tourisme est l'une des réalisations emblématiques de la firme charlevoisienne, qui réunit trois entreprises - Habitat Consultant, Habitat Éconstruction et Habitat Réfrigération - en une seule. Chez Groupe Habitat, on conçoit, on met en forme et on construit l’espace : le client donne ses exigences, fait part de ses demandes, puis l’entreprise se charge de tout, de A à Z. Un « processus clair, simple et efficace », des projets originaux clés en mains, de l’audace et de l’écoute : bref, le meilleur des deux mondes. Le Secret de Charlevoix en constitue l’exemple éclatant. « Ici on a un résultat qui est, je crois, issu de l’architecture contemporaine, mais quand même personnalisé pour Charlevoix », explique l’architecte. Les premières esquisses étaient davantage contemporaines. Le client a hésité, peu habitué à ces formes nouvelles. Deux ans plus tard, il a rappelé : il songeait à acquérir un nouveau terrain pour y construire une autre maison… d’après les plans de la première mouture. « Il y a un cheminement qui s’est fait », conclut Mathieu, tout sourire.
L'homme est calme et sympathique ; il parle d'une voix posée, avec coeur et intelligence. Derrière la haute silhouette et la réserve amicale mais professionnelle de l'homme d'affaires, on devine aussi la passion de l'homme de l'art et la force des vocations anciennes. Tout jeune encore, Mathieu calquait ses pas dans ceux de son grand-père, menuisier de métier et « patenteux » à la mode d'autrefois. Il était de ces hommes fiers et habiles pour qui « tout sert à quelque chose », de ceux qui sont capables de tout faire à partir de rien. Mathieu s'en souvient encore très bien : pas question pour grand-papa d'aller à la quincaillerie. « Il pouvait essayer de récupérer une porte-fenêtre pour faire un plancher », raconte-t-il, un sourire ému dans la voix. Une ingéniosité à faire pâlir d'envie Léonard de Vinci, une débrouillardise toute canadienne-française, un orgueil à faire frémir un curé : on apprend beaucoup de ces gens-là. Ensemble, le grand-père et le petit-fils ont passé des heures à bâtir, inventer, patenter, rafistoler. Ils fabriquaient eux-mêmes leurs bâtons de hockey et leurs battes de baseball. De tels moments ne s'oublient pas. L'enthousiasme du petit garçon pour les après-midis passés à l'atelier n'a jamais vraiment disparu : on le sent encore aujourd'hui.
De cette relation privilégiée avec son grand-père, Mathieu a conservé un goût profond pour les choses concrètes, le travail pratique bien fait, la réflexion qui suscite l'action plutôt que de l'empêcher. Après une première session en sciences de la nature - il faut se garder toutes les portes ouvertes, prescrit l'usage scolaire -, le collégien a ressenti le besoin de substituer le faire au théorique : il s'est inscrit en technique d'architecture au cégep Lévis-Lauzon, avant de poursuivre ses études à l’Université Laval, quelques années plus tard. Un parcours dont il garde d’excellents souvenirs : « Les professeurs t’amènent à vivre diverses expériences et à pousser tes limites assez loin… C’est marquant parce que tu te rends dans des zones d’inconfort, mais au bout de la ligne le projet qui en ressort te gratifie et te rend fier ».
À la toute fin de ses études, Mathieu a reçu une bourse et a pu s’envoler pour le Viet-Nam. L’objectif de ce stage de six mois : aider à densifier les milieux déjà construits d’une capitale vietnamienne surpeuplée. Extraordinaire aventure, qui lui a permis d’affûter son regard d’architecte, mais aussi de relativiser les sacro-saintes valeurs américaines du travail, travail, travail. Au Viet-Nam, à quinze heures, les bureaux ferment : le temps de la famille et des amis succède à celui du boulot. Le 80 heures/semaine, très peu pour eux. Mathieu a retenu la leçon : le travail, oui, mais pas à n’importe quel prix, pas à n’importe quelle condition. Dans la vie comme en architecture, tout est question d’équilibre. Ici, on voit poindre un peu, beaucoup le père de famille aimant, soucieux de passer du temps avec les siens.
Lorsqu’on écoute Mathieu, la chose est frappante : derrière chacune de ses expériences, chacun de ses objectifs ou de ses souhaits, il y a toujours l’humain, sa qualité de vie, son intégration harmonieuse dans son milieu. Pendant longtemps, afin de payer ses études, Mathieu a été préposé aux bénéficiaires à l’Hôtel Dieu de Québec. Il y a énormément appris. « C’est une école de vie », explique-t-il. « Travailler avec l’humain te sensibilise à tout ce qui touche à la vie de tous les jours, le quotidien, le spatial… » Il fallait l’entendre, lors d’un dîner avec l’équipe, évoquer d’anciens patients avec une indéniable affection et une profonde humanité, en égrenant les anecdotes sur leur combat, leur courage, leur humour, leur résilience. Il y a dans tout cela une force et une beauté : l’espace devrait la refléter, croit Mathieu. Les couloirs et les chambres des hôpitaux ne devraient pas nous rendre malades : au contraire, ils devraient nous faire sentir mieux. La chose est tellement évidente qu’on l’oublie. « Oui, il y a des normes, mais est-ce qu’on peut essayer d’être imaginatifs, de concevoir des endroits agréables pour les personnes qui le occupent ? » : la question est pertinente, et illustre bien les convictions de l’homme.
Lorsqu’on lui demande comment il conçoit son travail, les mêmes préoccupations reviennent : « Le rôle de l’architecte est de créer des espaces réfléchis et plastiquement intéressants pour les gens qui les occupent ». La réponse, claire et précise, est venue tout naturellement. Derrière le lieu, il y a toujours ceux qui l’habitent, le parcourent, y circulent, y vivent. Les deux sont indissociables : « On est toujours en train d’occuper des espaces. Est-ce qu’on peut prendre le temps de réfléchir ces espaces-là pour s’assurer qu’on essaie d’aller chercher le maximum d’expérience, d’inspiration qu’ils peuvent nous donner ? » Que l’architecte puisse penser l’espace, oser aller au-delà des patrons préexistants, dépasser les objectifs économiques : voilà ce dont rêve Mathieu Simard. Pour lui, comme pour nous. Questionné sur son « projet idéal », il répond d’ailleurs non seulement en architecte, mais aussi en citoyen, en homme qui occupe l’espace, le façonne et le comprend : « Pourquoi ne laisse-t-on pas un plus grand pourcentage de terrains à l’état naturel et ne densifie-t-on pas les endroits où on veut construire, pour se garder des parcs géants et accessibles à tous ? », se demande-t-il. Penser la ville autrement, en région comme en métropole, transcender et adapter les normes pour mieux respecter le paysage et ceux qui l’habitent : voilà bel et bien un projet inspirant !
Après Les Éboulements, direction Baie-Saint-Paul. On y visite les bureaux du Groupe Habitat, mais surtout le Musée d’art contemporain (MAC) : depuis cinq ans, l’architecte préside le conseille d’administration de l’institution, qu’il a intégré en 2006. Le bâtiment, qui fête cette année ses vingt-cinq ans, a été le tout premier projet de l’architecte-étoile Pierre Thibault – il lui a d’ailleurs valu un premier prix d’architecture. Mathieu admire à la fois l’homme – avec lequel il collabore régulièrement - et l’œuvre : le Musée, il l’aime passionnément. « Il y a une expression, en architecture, qui dit que la forme doit refléter la fonction. Je pense qu’il est évident, lorsqu’on regarde le bâtiment de l’extérieur, qu’il s’agit d’un musée, et c’est tout à l’honneur du concepteur », explique-t-il, admiratif, avant de célébrer la magnifique percée fenestrée de la mezzanine, qui donne sur l’église.
Avant même le bâtiment, bien sûr, il y a l’art, les pièces qu’il héberge, les expositions qu’il accueille. Mathieu ne s’en cache pas : l’art contemporain, il en est fan. Il cherche, derrière chaque peinture, chaque sculpture, le parcours de l’artiste, sa démarche, ses inspirations, ses réalités, afin de mieux les apprécier. Sans être collectionneur – pas encore ! -, il possède quelques pièces chez lui ; les murs de ses bureaux sont couverts de très belles œuvres issues des collections du MAC : tous ceux qui y passent peuvent les admirer. Pour lui, le Musée a un rôle essentiel à jouer : « Lorsqu’on voit de l’art, ça provoque. Le cerveau est un muscle », l’art le stimule et le fortifie. Le MAC, c’est un peu une salle d’entraînement : on y gagne la santé de l’âme comme on gagne ailleurs celle du corps, et on élargit son esprit à la place de ses biceps. « La culture, ça participe à l’ADN de chaque personne », expose-t-il. « Voyager, ça m’a aussi aider à comprendre ça ». C’est pourquoi il la défend, la culture, c’est pourquoi il la diffuse ; c’est pourquoi, aussi, il espère que Charlevoix redevienne un lieu de création privilégiée, une inspiration incontournable pour les artistes.
Il y a, dans le parcours de Mathieu Simard, quelque chose qui ressemble beaucoup à un dévouement rationnel, à une volonté réfléchie d’agir pour changer les choses et faire évoluer les sensibilités, une exposition ou une maison à la fois : « Je pense qu’on a la responsabilité de s’impliquer dans notre région. Il faut se parler tous ensemble pour qu’on puisse faire de Charlevoix une région qui est attractive, qui est compétitive, qui est créative et innovante… ». Un autre projet inspirant… dont on confierait bien volontiers les plans à un certain architecte de notre connaissance !















































































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